Enfin le départ pour La Rochelle de bon samedi matin. Avant de partir je fais tout de même un petit check up du matos. Mes A5 sont frétillantes, mon cuissard motivé de la chamoisine et mon
maillot à déjà les tétons qui pointent. Niveau musculo-psycho-squeletique, on est dans le même registre : un mental de guerrier suisse, des muscles ultra oxygénés de la fibre, des pieds avec 5
orteils chacun, un poids de corps de quand j'étais jeune puceau et un scrotum complétement détendu de la boule. Bref, les voyants sont vert fluo.
Une fois arrivée sur place, direct vers la récupération du dossard.
Ok, je vous l'avais déjà dit que niveau injustice j'étais assez habitué. Que grosso modo, à part moi et ceux qui n'y connaissent rien en sport, personne ne me donnait la reconnaissance qui me
revenait de droit au regard de mon niveau.
Eh bah ouai t'as deviné ! Les batards ils m'ont collé dans le 2ème sas ! Mais t'inquiète que Boubou à plus d'un tour dans ses balloches. BIMMMM ! Direct vers le secrétariat pour une
négociation dont j'ai le secret.
Alors vous allez vous dire : "Rhoo l'autre il va les faire chier pour changer de sas, ça va presque rien changer à son temps ni à sa place, le lourdeau".
Huhuhu, bande de tocards. Si effectivement la distance supplémentaire à parcourir pour arriver à la ligne de départ est très faible, il n'en est rien du moment à partir duquel il faut être
présent dans le sas si on veut être devant et ce que cela implique comme temps d'attente, manque d'échauffement, piétinement, froid, etc. Etre dans le premier sas est vraiment un plus indirect.
Bref, je récupère une place dans le sas "élite" (petits pouffements d'auto-suffisance) après une brève négociation.
C'est la première satisfaction du week end. Retour à l'hotel pour une petite run session de 15', puis reretour à la chambre pour une petite sieste. Cette vie de pro.
A 19h, je crève la dalle. On va au resto (un très bon resto que ça vaut le coup d'aller à La rochelle même si tu fais pas le marathon). Erreur de gros débutant, j'ai tellement faim que je dégomme
mon assiète de pâtes (qui baignaient dans l'huile) en 2/4 et pouf pouf j'ai mal au bide.
Arffff ! Bon, une bonne nuit devrait m'aider à faire passer ça.
Comme très souvent ces derniers temps, mauvaise nuit, je me réveil à 4h30 puis 5h, sans arriver à me rendormir. Tant pis, direction le ptit déj que je prendrais frugal, le bol alimentaire de la
veille étant encore assez présent.
Vers 8h30, je quitte la chambre et vais vers la ligne de départ en trottinant (privilège du premier sas ;o).
Les quelques foulées me font sentir un ventre encore bien balloné. Fuck !
Tandis que les handisports partent, je tombe sur the Fishman. J'adore le principe de rencontrer des forumers sur les courses, même brièvement. Il me reste encore quelques grands noms à
rencontrer, tels Phillllll, DV ou encore LeTique :o)
Bientôt 9h, on se met en place. Comme d'hab, quelques relents de racisme sont présents. On colle tous les blancs derrière les noirs. Va falloir mettre au point une loi pour créer des quotas
de blancs sur la première ligne, y'en a marre de cette discrimination !
Le start est donné !
BIG MOTHER FUCKIIIIIIIIING STAAAAAAAART !!!!!
Très vite des lambeaux de chairs commencent à joncher le sol, des rotules et des sacrums volent à droite et à gauche. Hin hin hin, bande de gros.... chenapans ! (Eh mais je suis plus au club,
j'ai rien signé !)
Après ce départ tonitruant je temporise et me fixe sur une allure légèrement plus proche de celle voulue, à savoir 4'01 au kilo. Mon bide ne me rend pas les choses faciles, c'est assez
inconfortable de courir avec ce trop plein. Je me fais beaucoup doubler maintenant, pourtant je suis à plus de 15 à l'heure. Comme l'an dernier finalement. 3'55 au premier kil, normal.
J'adapte ma foulée tentant d'avoir une flèche peu importante sur cette dernière, limitant ainsi les oscillations verticales de mon centre de gravité (et donc la distance à parcourir), et limitant
également les impacts sur chacune de mes foulées préservant ainsi mes petits muscles qui seront mis à rude épreuve lors des 10 derniers kilos. Mais je vous parle de ça alors que c'est a partir
d'un certain niveau qu'on peut comprendre ces quelques introductions biomécanico/technico/tactique de la pédestrie.
Bref, je passe le deuxième en 4'07. Mouarffff, ok ça montait mais bon. Je régulerai sur les kilomètres suivants en passant le premier 5km en 19'56 et aux 10 bornes en 39'56. Bon ce qui m'inquiète
bien que je sois dans les temps, c'est que :
- J'ai toujours mal au bide et que si c'est assez inconfortable pour courir, je me dis que c'est du poids supplémentaire à trimballer et que c'est du temps en plus à l'arrivée.
- Je ne suis pas du tout facile au niveau physio et engagement psychologique. Ce ne sont pourtant que les 10 premiers kilos et d'après le souvenir que j'avais de l'an dernier, j'étais très facile
au début ce qui ne m'avait pas empêcher de croire que j'allai mourir à la fin. Là, si je me relâche et que je ne contrôle pas mon allure, je perds tout de suite du temps.
Je trouve néanmoins que les 10 premiers kilos passent rudement vite. Sûrement dû au fait de cette engagement nécessaire qui occupe l'esprit. J'ai stabilisé ma place dans le peloton et ne me fait
plus doubler.
Bon à ce moment, je suis très motivé, j'ai très envie d'attaquer et de me démonter la cabine. Cette course me sers d'exutoire à une mauvaise période et j'ai pleins de choses à faire sortir via
mes runnings. Un combat se fait entre mon corps qui a très envie de se servir de certains moments passés comme d'un adjuvant et ma tête qui tente de gérer ma motivation car ce n'est pas
maintenant que la course se joue, mais plutôt là où elle se déjoue. Du coup sans vraiment m'en rendre compte j'accélère un peu et passe presque tous les kilos du 9ème au 16ème en 3'55/3'57. J'ai
hâte de passer le trentième pour laisser libre court à ma fougue... si elle est encore là.
15ème kilo en 59'45. Trente secondes d'avance sur le timing, c'est toujours ça de pris. Mon bide n'est toujours pas au top et j'appréhende chaque ravitos et prise de gel que cela n'accentue
encore le truc. Déjà je commence à reprendre quelques petits groupes dont je désosse ceux qui le compose à grands coups de lattes dans la gueule.
Toujours sujet à une petite sinusite, je n'arrête pas de me moucher à la "sportif staïle". Les gars qui recoivent mes émonctions (car c'est un réflexe et je ne contrôle jamais derrière moi) n'ont
pas l'air gêné que je me mouche sur eux. Peut être qu'ils savent qui je suis et que ça leur fait plaisir.
Les conditions sont vraiment très bonnes, pratiquement pas de vent, pas de pluie, ni trop chaud ni trop froid, nickel pour faire sa course seul à ne pas tenter de gérer à ne pas être tout seul
dans une grande ligne droite face au vent. Ca tombe bien car je ne fais déjà plus que passer des coureurs. 4ème tranche de 5kilos en 19'53 et semi en 1h23'39".
Je ne suis toujours pas "facile" et je ne risque plus de l'être maintenant, mon ventre, si c'est moins fort qu'au départ, me ballone toujours, et je contrôle toujours mon envie de me réguler. Je
ne m'ennuie pas du tout. J'ai un grand plaisir à courir. Une sorte d'équilibre entre l'effort mental, l'allure maintenue, la douleur physique, la réserve physique qu'il me reste, la motivation à
perfer. Une sorte d'homéostasie sportive.
Pourtant au 25ème kilo je viens de faire mon 5km le plus lent en 20'02. Mon Garmin qui jusqu'alors était parfaitement synchronisé avec les kilos de l'orga, commence à ce décaller progressivement.
Les yeux rivés sur ma montre à chaque vibration de l'autolap, je vois que je stabilise mon allure 4'01-4'02 avec parfois un kilo difficile en 4'08 du fait d'une montée.
Depuis quelques kilos, je cours avec 2 gars que j'ai repris et qui ont relancé à mon passage. Les fous. Un très grand qui souffle beaucoup et un tout petit. Ils se mettent derrière moi où à mes
côtés et je suis content de ne plus trop courir seul d'autant que j'ai l'impression de leur servir de lièvre vu que je contrôle les allures et qu'ils suivent mon tempo et mes trajectoires. Je
n'ai pas l'habitude, c'est assez valorisant. Arfff, 20'17 pour cette tranche de 5km et passage au trentième en 1h59'57. Toujours un peu d'avance.
Je sais que je peux me permettre de ne pas m'en inquiéter, je suis encore frais, que je peux tenir l'allure, d'autant que mon ventre me laisse enfin tranquille.
Au passage au 30 ème, ravito et léger faux plat descendant. Je m'en sers pour relancer et grapiller quelques secondes. Mes 2 accolytes ont pris quelques mètres de retard. Je temporise juste un
chouilla, en espérant les voir revenir, les encourage à faire l'effort, c'est mon côté magnanime, j'aimerais bien me tirer la bourre sur les 12 derniers. Hélas, je me rends compte qu'ils sont
trop juste (normal) et je continue mon chemin. Aux environs du 32ème c'est the Fishman qui est mal en point, je tente de l'encourager tout en me doutant que mes paroles seront vaines.
Je tourne tous les kilos suivant entre 4'00, sauf un 4'07 et donc passe mon 7ème tronçon de 5km en 20'07.
C'est là que les choses sérieuse commencent. Je me sens bien, les jambes ne sont pas trop douloureuses (par rapport à l'an dernier), . Je suis très motivé, m'invective beaucoup et laisse mes
jambes dicter le tempo (qui est tout de même plus faible qu'au début de course, faut pas déconner). Fort de l'expérience de 2011 où je me suis rendu compte que c'était vraiment la tête qui
faisait le taf sur les 7 derniers, je ne lâche rien et suis très concentré à ne pas me démobiliser. Le fait de beaucoup doubler facilite grandement la tâche. En repassant à certains endroits que
j'ai foulé l'an dernier, les sensations de 2011 ressurgissent et me servent. Le passage où j'avais repris "David" et à partir duquel on s'était aidé mutuellement, le passage où Nick était avec
son VTT et m'avait filé une gorgée de flotte, me remotivant par la même occasion.
A environ 4/5km du but et à 15km/h, alors que j'ingurgite un dernier gel, je sens une brutale chute de la FC, un gros coup de faiblesse ainsi que ma vigilance qui tente de s'échapper. Ce petit
malaise vagal dure 2/3" mais est suffisament perturbant pour temporiser un tout petit peu, histoire checker un peu que tout aille bien.
Mon Garmin est complétement décallé de 40" et je le recalle au 39 ème ce qui fausse mon kilomètre et mon 8 ème tronçon puisque ces 40" sont à finalement à repartir depuis le trentième.
Je me sens encore très dynamique en terme de foulée. Là ou j'avais l'ensemble des quadris qui éclataient à chaque foulées l'an dernier, je n'ai que les vastes externes qui sont vraiment
douloureux. L'expérience lors de la prépa spé, la caisse du Chtriman.
Autant je souffre beaucoup à maintenir l'allure, autant je prends beaucoup de plaisir à courir, à me bagarrer avec moi même et avec le chrono. Pleins de choses sortent de ma tête et m'aident à
pousser sur mes runnings.
A 2 km du but, rebelote en moins fort. Petite malaise vagal. La tête qui tourne un peu. Ah non pas maintenant ! J'essaie de rester concentrer sur le fait de ne pas perdre connaissance, ce qui est
complétement con puisque si je perds connaissance, je ne pourrais pas me rendre compte que je ne suis plus conscient (puisque je ne le suis plus).
Bref, rien à foutre, je mourrai après la ligne ! Je remets une grosse minasse dans la race de mes faire valoirs, leur remettant le coccyx en place par la même occasion.
Je ne sais pas du tout le temps qu'il me reste pour avaler les 2 derniers kilos et passer sous les 2h50, je ne contrôle pas ma montre. Je sais juste que c'est possible. J'entends le speaker qui
annonce le temps de ceux qui me précèdent d'environ un kilomètre. La différence est saisissante avec les sensations de 2011 sur ce dernier kilo. Certes le vent est moindre, mais j'ai pu relancer
un chouilla et suis à plus de 15km/h alors que je luttais sous les 14 l'an dernier. Quel plaisir éprouvé à surmonter la douleur et la maitriser.
Derniers virages, dernières lignes droites, je double encore, et vois 2h48'55 à l'amorce du tapis bleu fluo qui annonce les derniers décamètres. Ca couleur tranche avec celle des pavés et je suis
comme happé par lui. Maintiens mon allure comme si la course n'était pas encore jouée et franchis la ligne en 2h49'09" (2h49'11 officiel) à la 68 ème place.
Yeahhh Fuck !*
Dernier kilo en 3'55, comme le premier, la boucle est bouclée.
Je m'imobilise difficilement quelques instants contre une barrière. Je suis cramé. Je suis épuisé, physiquement, énergétiquement et psychologiquement, j'ai donné tout ce que je pouvais donner à
tous les niveaux et je suis content de ne pas être mort et encore plus content de mon temps et du déroulement de la course.
Un bref ravito, à écouter tous les conseils pleins de bon sens de la bénévole qui sert les boissons. "Faut s'étirer maintenant, beaucoup s'étirer, et boire, boire beaucoup !"
Donc non, quand tu viens de finir un marathon tu ne t'étires pas tout de suite, je ne sais pas si il y a plus con. Et si effectivement il faut boire, il ne faut pas boire beaucoup. Vu la
désertion splanchnique, on va laisser tranquillou le temps au sang de regagner le système digestif avant de le balloner.
Bref...
Je mets 50' pour parcourir (parclaudiquer ?) le km qui sépare l'arrivée de mon hôtel afin de me prendre un bon bain délassant et tenter de savourer cette matinée, ne pouvant hélas déjà pas
m'empêcher de penser à tous ce qui est encore perfectible.
J'aurais encore durant l'après midi, quelques retours de mon nerf vagal qui donnera des siennes, mais le calme du retour ainsi que la prévision de repos physique pendant quelques semaines le
laissera ce calmer et ce refaire une santé. A lui et à tous ce qui permet de bouger mon corps.
*"super"
A+